Tango

A l'origine, le tango appartenait aux hommes qui le dansaient en solo sur les trottoirs de Buenos Aires. Mais quand cette pratique fut interdite "pour cause d'entrave à la circulation" et que le tango pénétra dans les bordels, c'est par les femmes que s'accomplit le rituel de la danse. Les prostituées étaient payées par le patron du tripot pour danser sans répit jusqu'à la fin de la nuit. Belles ou laides, les meilleures danseuses passaient de bras en bras : finir en mesure était la nouvelle extase. Petit à petit, quand le tango se fit chant, les couplets devinrent l'arme par laquelle les femmes purent crier leur révolte.

Jadis, la participation féminine dans le tango était limitée au rôle de partenaire dans les bals des maisons closes. Ce n'est qu'à la fin du siècle dernier que les chanteuses osèrent enrichir leur répertoire de quelques tangos. Les chanteuses de variété entonnaient d'une voix flûtée, presque comme un péché, des chansonnettes grivoises dont les thèmes à double sens n'avaient rien à voir avec se qui se chantait dans les bordels. La morale, en cette fin de siècle, ne pouvait en tolérer davantage. Ces femmes n'avaient encore conquis ni leur espace ni leur personnalité. Parmi les pionnières, la plus célèbre reste sans aucun doute Pepita Avallaneda. D'après Horacio Salas, Le Tango

Certains ont prétendu que l'origine du tango - qu'il vaut mieux appeler " gotan "(tango en verlan) - était latine et signifiait : " je touche. Le tango commence à se chanter dans les troquets, les épiceries-débits de boissons qui sont aussi hôtels, auberges interlopes. Ses paroles mettent plus ou moins en vers les " incidents " de la rue, le crime, le désespoir quotidien. D'abord exclu des salons pour être né sur les trottoirs, ce tango chanté a plus tard été récupéré dans les salons comme le plus délicieux des " produits indigènes ". Ramon Gomez de la Serna, Interprétation du tango (extraits)

Le tango commence par un rire musical, que le piano vient troubler.

Fier, tranchant comme une lame, l'escadron du tango s'avance et l'on éprouve son pas militaire, le pas d'une avant-garde que rien ne fait reculer : " Ras ras ras !", et soudain " Zas !", le coup de poignard bien porté. Ramon Gomez de la Serna

Lexique argotique du tango

Le chant du tango puise ses origines dans des poésies du 17ème siècle appelées "payadas", dont il a conservé le caractère très libre du vers. La principale caractéristique du tango chanté est la langue qu'il utilise : le lunfaro, l'argot créé par les malfaiteurs à la fin du siècle dernier pour ne pas être compris du reste de la population. Grâce au tango, le lunfaro a gagné toutes les couches de la société argentine au point de devenir un véritable signe de reconnaissance et d'identité.

Afilar : faire la cour, conter fleurette.
Allon : "allons!"
Alpiste : antigel, traduire " alcool fort "
Apoliyo : ronfler
Biscuit : belle femme
Boliche : petit débit de boisson
Boton : policier
Chiquilin : petite poche à l'avant du pantalon
Chiqué : simulation
Davi : " vida " (la vie) à l'envers (en verlan)
Engrupir : tromper
Estufar : ennuyer, fatiguer
Fifi : personne délicate
Fueye : le bandoneon ou le poumon
Garzonier : appartement destiné à des activités érotiques
Gil : idiot
Gotan : tango, en verlan
Melon/a : personne peu intelligente
Mina: femme
Morfar : manger, violer, endurer, tuer
Papa : jolie, de grande qualité
Patinar : échouer
Pingo : cheval
Rama : le dénuement, , la misère.
Vivo : malin
Yuta : la police

Bibliographie

  • Interprétation du tango, Ramon Gomez de la Serna (André Dimanche éd.)
  • Le Tango, par Horacio Salas (Actes Sud, 1989)
  • Le guide du Tango, de Pierre Monette (Tryptique/Syros, 1991)
  • Le Tango, par Remi Hess (Puf, collection " Que sais-je? ")
  • Le lunfaro dans les paroles de tango, Christine Bezotte (thèse de doctorat soutenue à la Faculté de Paris 8 en 1994)
  • Tango, Milonga, Vals : danses urbaines dans le Rio de la Plata, 1870-1924, Alicia Quintas (thèse de doctorat soutenue à la Faculté de Paris 8 en 1995)