Figure incontournable de la danse en France, Dominique Dupuy a marqué plusieurs générations de danseurs et de chorégraphes. Délaissant à juste titre les spécialisations, il se définit avant tout comme danseur alors que son parcours révèle une grande générosité de transmission, la création de nombreuses pièces chorégraphiques de groupes, en solo et l’écriture d’ouvrages de référence. Proposant sans cesse des passerelles entre les Arts, son regard s’adresse à tous celles et ceux qui portent le désir de s’engager sur un plateau scénique. Son parcours l’amène à ressentir les silences initiateurs du geste, de la parole, de la musique ou du chant. En cela il retient aujourd’hui, d’anciennes comme de toutes récentes expériences, tant de création que de pédagogie, leur allégeance toute particulière aux silences qui les fondent, avant qu’elles n’en viennent aux sons : paroles, musiques, bruits… Il s’agit de se rendre sensible aux volumes d’air, aux vibrations sonores entre les êtres, engager les corps sur des zones d’ombre ou de clarté, de vides et de pleins, dans un espace conçu comme dynamique avec ses attirances et ses répulsions, ses contacts, ses heurts, ses fusions, ses équilibres ou ses déséquilibres. Écouter, prendre le temps, agir, réagir à tout ce qui survient, évolue avec soi dans le même espace-temps délimité, cadré : le silence, le moindre objet, les autres, tous sont partenaires de jeu.
Jouer avec le silence, préciser le regard, engager tout le corps dans l’espace, ponctuer, syncoper, articuler les rythmes, oser suspensions et immobilités : tels sont quelques-uns des objectifs de travail. Quand il y a désir et nécessité, deux personnes qui ne parlent pas la même langue parviennent toujours à s’entendre, dès que leur écoute ne se limite plus à la seule compréhension des mots, dès que les corps sortent de leur réserve habituelle.
La précision du geste et de la scansion vont ici de pair pour tâcher d’élargir la conscience, améliorer sa présence par une plus grande acuité du geste porté par la respiration, tout en prenant le temps de l’exploration sensible. Le travail est dans le silence. Ce n’est pas dire que l’on n’utilise pas la musique, les mots, les sons mais même avec ces éléments, le silence est présent. Ce silence bien entendu est en complète relation avec le souffle, avec l’espace, avec le poids, avec l’énergie, avec l’imaginaire. Une investigation qui pourrait nous faire faire un retour sur l’usage que nous faisons des sons, des paroles, des bruits. Pour l’interprète en scène, comédien ou danseur, en fin de compte tout se joue dans le silence qui permet la résonance de ses actes.