Accompagné par : Albert Jaton (Eutonie Gerda Alexander), Gyohei Zaitsu (danse Butô), Natacha Maratrat (chant Gospel) et Pierre-Olivier Bannwarth (auteur-conteur)
Acteur, metteur en scène de théâtre et d’opéra, Alain Maratrat a travaillé pendant vingt ans aux côtés de Peter Brook. Il fut membre du Centre international de recherches et de créations théâtrales. En tant qu’acteur, Alain Maratrat fut l’un d’un piliers de la troupe de Peter Brook au théâtre des Bouffes du Nord, et il se vit confier par Brook le training des acteurs, notamment pour la création du mythique spectacle Le Mahabharata. En 2006 il a gagné le Masque d’Or au festival de Moscow en tant que metteur en scéne de l’opera Il Viaggio a Reims. Invité par ARTA à transmettre ses compétences, Alain Maratrat voudrait partager une série d’exercices très variés et précis pour développer une nouvelle capacité à improviser en libérant le corps, notamment au travers de la musique. Ils conduiront à expérimenter la capacité à répondre à des impulsions non habituelles, à se confronter à des imaginaires moins familiers, dans la perspective d’ouvrir à la perception de nouveaux champs, d’éprouver et de laisser apparaitre une autre réalité.
Comment parvenir à donner totalement libre cours à son imagination personnelle, à vivre pleinement une situation de jeu, tout en partageant concrètement avec autrui la même réalité. L’art naît de la contrainte. Consentie, celle-ci peut s’avérer fructueuse. Encore faut-il être suffisamment disponible et prêt pour répondre à ses exigences. La bonne volonté ne suffit pas pour suivre une consigne, être réceptif à ses partenaires, se laisser surprendre et réagir à leurs propositions inattendues tout en manifestant par sa conduite la plus grande liberté créatrice. Quand le spectacle commence, c’est alors que s’ouvre le grand exercice, l’heure d’appeler, de mettre à contribution tout ce que les entraînements préalables ont appris à chercher, à élaborer, toute l’expérience requise à travers le plaisir ou la souffrance pour parvenir à être là, à se désencombrer de tout ce qui, parasites ou impuretés, empêche de se sentir soi-même libre, souple et fluide, prêt à servir l’objectif commun. Alain Maratrat entend renoncer aux personnages, pour épanouir les personnes à travers le jeu, et laisser se manifester l’humanité dans ce qu’elle a de plus beau, mais aussi de plus troublant. L’acteur devient alors un révélateur. Tel est le but vers lequel il souhaite tendre au cours de ce stage : élargir une plus grande palette humaine. En transmettant la démarche qu’il a élaborée au cours de son travail avec Peter Brook et à partir de ses rencontres avec des maîtres d’arts martiaux, et de spécialistes de techniques corporelles, il entend aider l’acteur à mieux se connaître, en se situant par rapport à soi-même et aux autres. Dès lors, il peut commencer à témoigner pleinement à partir de son propre point de vue, et raconter une vie. Les grands auteurs sont là pour lui permettre de dévoiler une vision.
C’est toujours une expérience libératoire et jubilatoire pour les acteurs que de se sentir porté par le chant, par le rythme. Et ainsi, de se laisser aller, en étant traversé par une autre manière d’exprimer des choses intérieures fortes, avec la sensation de se dissoudre dans la forme du chant. Avec le Gospel, Natacha Maratrat s’attache plus à la qualité d’écoute et de ressenti qu’à la justesse d’exécution. Le Gospel véhicule en soi par la scansion, les pieds en terre, et l’engagement du corps, un courant libérateur, délivre, initiée par le chœur, une émotion spécifique favorable pour que la voix se révèle et laisse jaillir la vie.
Se mettre à l’écoute d’un rythme précis, être dans la pulsion juste, jusqu’à pouvoir se passer les relais de leader, en étant en mesure à tout moment de devenir soliste, d’être celui qui stimule le choeur, et l’entraîne dans une nouvelle pulsation, liée à son propre battement, à son propre mouvement de pensée et de cœur. Dès lors, la nécessité d’une voix libre en relation avec une conscience claire qui puisse porter une parole forte porteuse et être l’écho d’un cri tourné vers plus grand que soi peut trouver concrétisation.
L’acteur doit se plier à toutes sortes de techniques comme un gastronome s’initie aux subtilités des goûts de la cuisine raffinée, il doit devenir plus intime dans sa relation avec son corps, sa voix, avec ses émotions pour permettre à sa vraie nature et à son instinct une entière liberté. Apprendre à s’exercer, à se laisser démobiliser pour mettre en doute sa propre compréhension. C’est à ce prix que l’on peut parler de techniques. L’art de la transformation consiste à rendre le corps flexible, obéissant, libre, pour qu’il puisse laisser s’imprimer les impulsions intérieures ressenties par l’acteur. Le corps capable de rendre le subtil vraisemblable, le sensible visible est la condition de l’acteur incarné. Certains acteurs captent l’attention du public avant d’avoir prononcé un mot. Ils entrent et de leur présence émane une réelle intensité. Comme si tout leur être intérieur s’enflammait sous une impulsion particulière, celle du jeu. C’est alors que, dans le public, nous nous enflammons nous aussi. Jouer, une nécessité ! Mais comment incarner un désir, une pensée, une action et un sentiment vrai ?
L’acteur est la courroie indispensable entre une société et les Dieux » disait Vassiliev, grand pédagogue du théâtre russe. L’acteur témoigne de cette nécessité. Au moment même de la représentation. Il est le réceptacle vivant de l’ancien et du nouveau. En lui et à travers lui s’incarne le présent.
Son corps doit acquérir la flexibilité, la liberté où vont s’improviser, se créer en lui la vie, l’incarnation humaine.
La technique de l’acteur doit passer par un travail approfondi du corps de telle sorte qu’il devienne extrêmement sensible aux moindres sollicitations subtiles intérieures de l’acteur, ainsi qu’aux émanations de ses partenaires.
Un corps libre, sans tension, permet d’avoir un ancrage plus fort en soi et donc assure à l’acteur plus de confiance en lui-même. Ce nouvel état permet à l’imagination d’agir sans contraintes, sans blocages.
Ces notes éclairent pourquoi Alain Maratrat a entrepris de collaborer avec Albert Jaton et avec Gyohé en vue de développer un travail corporel articulé d’une part sur les bienfaits préparatoires de l’Eutonie de Gerda Alexander, et le choc bénéfique de la découverte du Butô.
Alain Maratrat écrira, en collaboration avec l’auteur-conteur Pierre-Olivier Bannwarth, et spécifiquement pour chaque participant, en fonction de sa personnalité, des canevas, des séquences ou des scènes qu’il leur donnera tout au long du travail.
Pierre-Olivier Bannwarth © Thomas Louapre