Projetant l’utopie de l’Acteur-Improvisateur, l’esprit de la Commedia dell’arte a rayonné dans tous les pays d’Europe, où elle a laissé des traces profondes dans l’imagination populaire aussi bien que dans le théâtre, la poésie et les arts. Elle s’est développée au cirque, puis au cinéma, sous les allures de Charlot ou de Max Linder. Craig, Meyerhold, Copeau, Dullin, Barrault, Strehler, Mnouchkine et Dario Fo ont chacun entrepris d’en retrouver l’esprit, pour réinventer une tradition et s’appuyer sur ses principes. Il s’agissait de vivifier l’art du comédien, un “gai savoir” ; et aussi un artisanat. Ce mode de jeu s’est développé et perfectionné jusqu’à faire des acteurs de véritables virtuoses de la voix, de la pantomime, du chant et de l’acrobatie, surtout à partir du moment où la Commedia passe de la place publique à la cour des nobles et se répand dans toute l’Europe, avec une grande émulation entre les compagnies italiennes. La Commedia dell’Arte est à l’origine de l’école nommée communément “Le jeu à l’Italienne”. On entend par là, cette manière particulière d’interpréter selon la tradition italienne, improvisation et participation totale du corps et de la voix. Au XXe siècle, une tradition a bien fini par se réinventer. Existe-t-elle vraiment ? Toujours est-il qu’elle fait rêver, et qu’elle fournit de formidables défis à l’acteur qui souhaite s’y entraîner.
Les saynètes de Kyôgen sont des farces japonaises dont la forme d’art théâtral s’est cristallisée au XIV-XVe siècle. Par la suite, le Kyôgen perdit son côté satirique pour célébrer de façon comique l’humanité. Depuis quelques années, le Kyôgen contemporain a retrouvé toute sa verve satirique. En continuant à donner vie au répertoire traditionnel japonais, certaines familles, tels les Shigeyama, se sont permis d’innover avec l’audace de porter leur propre regard sur l’actualité du monde. Traditionnellement, le Kyôgen joue, en tant qu’intermède de vingt à trente minutes, le rôle de contrepoint face à la tension tragique du Nô. Bouffonneries inspirées de la vie quotidienne médiévale, les pièces de Kyôgen plongent à la manière de la Commedia dell’arte dans la satire sociale. Fondé sur la verve drôlatique des paroles et des situations, le comique tire également parti du contraste saisissant entre la trivialité des situations et la stylisation parfois emphatique ou même hiératique des gestes les plus grotesques. Alors que les mouvements d’ensemble sont réglés en chorégraphie, les personnages paraissent empreints d’une grande dignité jusque dans les scènes de lutte ou d’ivrognerie.
De la tradition à l’expérimentation, notre recherche croisera les pratiques et tirera profit de l’échange réciproque des savoirs, entre sculpteur de masque et maîtres de jeu, entre orient et occident.