L’objet de ce stage est d’initier à l’art du rhapsode, dans le but d’amener acteurs et actrices à le maîtriser dans leur propre pratique. Comment procéder ? Quelles techniques, quels chemins emprunter ? Comment s’exercer ?
Qu’en est-il de l’art du théâtre aujourd’hui ? En est-il même encore question ? Son absence se fait de plus en plus fréquente. En tant qu’art, la présence même du théâtre dans la Cité est paradoxale.
Au cours de ces deux semaines d’action, de pratique artistique, nous allons nous tourner vers le problème le plus important du théâtre : l’acteur et son existence scénique. Que considérer ? La présence d’une personne ou son absence ? La présence ou l’absence du personnage ? Personnage ou personne ? Est-ce « votre » personnalité ou bien « quelqu’un d’autre »? Y a-t-il des techniques par lesquelles l’acteur déclare sa présence en tant que personnage dans un acte de théâtre jusqu’à l’absence de sa « personnalité », ou existe-t-il d’autres possibilités — être plutôt un personnage de théâtre dans une œuvre dramatique ? Le Rhapsode, qui est-ce ? Quelle est la mesure de la fiabilité et de l’hypocrisie ? Est-il possible d’équilibrer « la vérité » et « le mensonge » ? De ces questions dépend le libre accès à la métaphysique du théâtre. Pour y parvenir, nous agirons sur du matériel pratique et concret.
Voici les trois textes de Platon qui seront travaillés : Ion, Ménon – (la partie concernant le dialogue de Socrate avec l’esclave de Ménon), Hippias Mineur.
L’art rhapsodique opère entre présence et absence, entre personne et personnage. C’est en jouant sur ces écarts subtils qu’acteurs et actrices trouveront leur créativité dans le milieu de jeu qui naît de ces décalages.
Dans le théâtre d’aujourd’hui, ce n’est plus le caractère du personnage qui détermine le parcours, c’est la vraie personne de l’acteur qui entreprend cette aventure et veut la jouer à tout prix jusqu’à la fin. Et cet événement principal auquel il espère aboutir est envisagé comme la résolution d’une énigme, la résolution d’un puzzle compliqué.
Habituellement, la formation d’acteurs se bâtit sur la base de notre nature physique et émotionnelle, notre perception, fragile, fluctuante, et même toutes nos hésitations, toutes nos incertitudes. L’acteur vise à sublimer ses passions et ses souvenirs, à exciter le cœur le plus intime de ses émotions et de ses sentiments à toucher les puits les plus secrets de son subconscient.
Mais les dialogues ludiques et abstrait de Platon peuvent aussi être pris pour fondements, et servir de point de départ. Cela implique que, au lieu de situer normalement le centre de sa vie émotionnelle à l’intérieur de lui-même comme le fait spontanément tout être humain, l’acteur est invité à le déplacer vers l’extérieur et à le garder toujours en vue, devant lui. Il joue ainsi, pour l’essentiel, avec ce centre, le regarde de façon détachée, créant et renouvelant les infinies possibilités ludiques de des propres émotions, de sa propre nature. On peut dire que, durant leur interprétation des textes de Platon, les acteurs, engagés dans le dialogue en tant que personae, en tant que « personnes » vivantes, mènent leurs personnages respectifs à travers les paysages périlleux de leurs rôles, à travers tous les virages et les détours, les « nœuds » de leurs parcours vers l’événement principal où tout est enfin révélé.
Il importe donc de pouvoir créer avec des artistes de la scène sachant repérer les structures ludiques et psychologiques, car, ayant appris à les distinguer conceptuellement, à connaître leurs techniques respectives pour maîtriser dans leur pratique les différents processus, ils peuvent jouer avec en les combinant, de manière réjouissante et vivante.
Leurs études, qui ont recours à l’improvisation collective, tendent à ressembler à une jam-session de musiciens de jazz. Pour développer l’art rhapsodique, Anatoli Vassiliev s’est en effet appuyé sur la pratique de l’étude, qu’il a fait évoluer. Profondément enracinée dans l’improvisation libre, cette pratique a d’abord été fondée sur les expériences du Stanislavski de la période des « actions physiques », et surtout sur l’approche de Maria Knebel, le premier maître de Vassiliev pendant son apprentissage dans la célèbre école russe, le GITIS.
La friction entre psychologie et ludisme entrouvre une troisième voie d’exploration, suscitant le questionnement psychologique, métaphysique et donc existentiel. Par son énergie, l’acte rhapsodique est comme une flèche irradiante qui traverse actions psychique, physique et verbale pour révéler sur scène de brefs instants d’éternité.
Alternant sur le plateau travail théorique et analytique, expérimentations, épreuves pratiques et conseils concrets (concernant notamment la préparation et la conduite d’études, l’élaboration et la présentation de compositions, suivies de retours), le processus sera mené en suivants les points suivants :