C’est à une véritable exploration des registres tragi-comiques du répertoire de Kyôgen que Tadashi Ogawasara invite. L’acquisition des bases de cet art japonais qui combine de façon indissociable chant, danses et récits, apartés et situations dialoguées, se fera de façon ludique, à travers toutes sortes de variations sur un thème donné. Ce travail devrait permettre à chacun d’élargir l’éventail de ses capacités d’acteur.
Riche d’une tradition de quelque 650 ans, l’art du kyôgen, porte en lui, dans sa dénomination même de «paroles folles», les germes de la «subversion» - au sens littéral de «bouleversement». Détournements : quiproquos, calembours frôlant parfois la contrepèterie, dialogues décalés, comportements extravagants jusqu’à l’absurde… Il s’agit en somme d’une forme théatralisée de «folie douce» dont le but ultime, selon Zeami lui-même, est de faire éclore sur scène «la fleur du sourire».
Le maître-mot, pour l’acteur comme pour le public, demeure la jubilation devant les innombrables facettes de la bétise humaine. Mais ce qui fait toute l’originalité de cette forme théâtrale, c’est que la folie qu’elle véhicule s’épanouit à travers des règles codifiées à l’extrême, débouchant sur un jeu de l’acteur aussi stylisé que possible. Exprimer l’emphase par une retenue basée sur la plus rigoureuse des contraintes : c’est à cette exploration dépaysante que Tadashi Ogawasara, disciple d’un des plus grands maîtres de l’école Izumi : Nomura Man, souhaite convier les participants à ce stage.
Par la mémoire du corps, chaque stagiaire commencera par assimiler les kata (型), formes et modules de base qui président aux déplacements, aux chorégraphies, ainsi qu’à l’articulation en voix parlée et chantée.
Toute pièce de kyôgen (ou «paroles folles») se compose de trois éléments indissolublement liés : récits («katari»), chansons («utai»), danses («mai»). Maîtriser ces divers modes d’expression théâtrale implique d’emblée un travail rigoureux, portant sur la voix, les postures et les enchaînements de mouvements – sans lesquels le comédien ne peut faire vivre, dans toute leur présence, les personnages qu’il incarne.
Le travail proposé portera donc sur l’acquisition de ces bases, dans l’immobilité – «seiza» et «idachi» en posture assise, «kamae» en posture debout – et le mouvement – «suriashi» ou «pas glissé» et ses variations : démarches des femmes, des guerriers, des démons… Ce travail du corps sera mis immédiatement en situation par ses applications dans le chant et la danse, à travers l’étude de la chanson «Hyôtan» («La calebasse»).
Simultanément, on entrera rapidement dans la pièce qui sera donnée lors de la présentation de fin de stage : Kuchimane (L’imitation) :
Un seigneur à qui l’on a offert un tonneau d’excellent saké demande à son valet, Tarô Kaja, de lui trouver un compagnon de beuverie. Kaja revient avec un homme inconnu du seigneur, mais réputé pour devenir très agressif quand il s’enivre. Comment faire pour le renvoyer chez lui sans se montrer discourtois ? Le maître demande à son valet de répéter à la lettre les formules de politesse qu’il va employer pour congédier l’invité… c’est alors que la situation dégénère peu à peu, du fait de la bêtise (réelle ou feinte) de Tarô Kaja…
Cet «exercice en action» sur l’articulation de la voix parlée sera complété par des extraits d’une autre pièce célèbre du répertoire : Kusabira (Les champignons)
Un homme, préoccupé par la présence d’étranges champignons à l’intérieur de sa résidence, engage un exorciste qui doit réciter des formules magiques afin d’arrêter cette prolifération. Mais plus celui-ci répète ses formules, plus le nombre de champignons se met à croître…
Ces deux pièces, qui permettront de se familiariser avec certains «types» emblématiques du kyôgen : le valet rusé et le yamabushi (ascète des montagnes) brocardé pour son incompétence, seront aussi l’occasion de capter physiquement l’importance fondamentale du «ma» (pause dynamique du geste ou de la voix) dans la manière d’occuper l’espace de la scène et de mettre en valeur les modulations d’un texte. On comprendra ainsi que l’impulsion donnée dans le kyôgen par la respiration juste, est l’élément essentiel permettant d’obtenir, à travers une stylisation extrême, le maximum d’effets comiques.
On abordera enfin, grâce à la diversité des exercices, la relation «organique» entre le kyôgen et le nô, et le rôle joué dans cette comédie traditionnelle par l’utilisation des masques.
Sous forme de passerelles et explorations pratiques, des rapprochements pourront enfin se faire avec le burlesque, et les principes du jeu masqué dans la Commedia dell’arte italienne.
Artistes ayant eu des expériences professionnelles dans leur domaine. Les sélections des participants seront faites selon les critères suivants : sur présentation d’une lettre de motivation et d’un dossier de présentation du parcours artistique du candidat, à réception desquels une rencontre sera proposée.