Publication : Les Passeurs d’Expérience

Publication de Les Passeurs d’Expérience. ARTA, Ecole internationale de l’acteur, par Jean-François Dusigne, aux Editions Théâtrales, Paris

Juin 2013

En s’appuyant sur l’expérience de vingt-quatre années, initiée en 1989 par Lucia Bensasson et Claire Duhamel sous l’impulsion d’Ariane Mnouchkine, le livre aborde les questions liées à la rencontre des pratiques scéniques, la transmission des savoirs et la recherche de chemins créatifs par delà les frontières. C’est l’aventure d’ARTA, sa démarche pédagogique que Jean-François Dusigne a entrepris d’éclairer. Pour préciser où nous sommes, et avancer. Repérer ce qui nous a guidés, par quels relais nous sommes passés.

ARTA a gagné sa réputation en affirmant sa différence, en restant volontairement un peu à l’écart, pour ne pas se laisser piéger par l’air du temps, les effets de mode. Quiconque a fréquenté ce lieu comprend qu’à l’évidence, il ne peut être assimilé à une institution qui enchaînerait des stages au hasard des opportunités, avec pour seule cohérence le souci d’offrir le plus grand éventail de choix de formations possible. Qu’est-ce qui fait donc d’ARTA un lieu d’école autre ?
Qu’est-ce qui motive ARTA ? Quel est son fil conducteur ? C’est en premier lieu ce fil rouge qui relie toutes nos activités qui importe.
C’est en veillant à faire pas à pas le bilan des expériences qui viennent d’être faites, en situant celles-ci en regard du chemin déjà parcouru que nous pensons, à chaque nouvelle saison, à de futures programmations de classes de maîtres, d’ateliers ou de creusets.
Assurément nous sommes guidés par une certaine idée de l’acteur, vers laquelle nous tendons. Nos stages ne sont pas forcément conçus pour apporter des réponses techniques immédiates. Par contre, ils apportent un épanouissement qui très vite peut s’avérer probant, en termes d’efficacité. Si la pratique à laquelle nous invitons ne répond pas forcément aux besoins du théâtre tel qu’il est, elle prépare au théâtre tel qu’il pourrait être.

Nous sommes portés par un projet pour l’acteur. Quel est-il ?
Comme tout organisme vivant, l’Association de Recherche des Traditions de l’Acteur n’a pas cessé d’évoluer. Avec le recul, quelques-unes des étapes qui ont ponctué son cheminement se profilent plus clairement.
L’expérience n’a pas manqué de susciter tour à tour de multiples questionnements. Certains « grands » stages furent déterminants : la rencontre de telle ou tel nous a amenés à déplacer notre regard, a stimulé notre désir de poursuivre en ouvrant de nouvelles fenêtres. Des liens plus étroits se sont tissés avec certains maîtres, favorisant une meilleure connaissance de leur art et de leurs propres recherches.

Pendant ce temps, les mutations sociétales et les effets de la mondialisation ont conduit à réaliser que les enjeux demeuraient mais ne se posaient plus forcément de la même façon : nul doute aujourd’hui que les contextes ne sont plus les mêmes qu’il y a vingt ans. Ne serait-ce qu’en dix ans, beaucoup de données ont changé. Par ailleurs, l’évolution des sciences sociales a remis en cause l’ensemble des idées reçues liées à la conception ethnocentrique du monde. Ces débats sont venus confirmer ce que nos échanges pratiques entre Est et Ouest, entre Extrême-Occident et Extrême-Orient notamment, avaient fait ressortir. Ces interrogations font considérer autrement les rapports entre tradition et modernité, en incitant à mieux discerner les préjugés, clichés et malentendus que des notions telles que « tradition » ou « maître » recouvrent.

A la lueur de l’expérience, quelques questions complexes relatives aux conditions et modalités de la transmission méritent ainsi d’être démêlées. Le livre invite à prêter attention à ce qui est souvent négligé : les conditions de la rencontre, le tissage des relations, le maillage du groupe, sa choralité, son émulation… Les apprentissages évoqués amèneront sans doute à considérer autrement l’imitation et l’improvisation. Enfin dans ce qui se transmet, le plus important n’est pas toujours ce qu’on croit. La grande affaire est d’accepter de se laisser imprégner. Car ce n’est souvent qu’après coup que l’expérience se décante, comme à son insu. Il est des choses que le corps sensible enregistre, engramme, mais qu’il ne révèle pas immédiatement.