À partir de recoupements de la mythologie du Popol Vuh et du texte du Rabinal Achi, Yves Sioui Durand et Catherine Joncas proposeront à une équipe d’acteurs européens de mener une exploration qui mettra à jour les codes de la profération et les codes gestuels propres à cette œuvre précolombienne. Cette approche passera par la mise en jeu des dimensions rituelles qui sous-tendent dramatiquement le récit. À travers l’appui de traditions amérindiennes et l’inspiration de ses rituels archaïques, il s’agit de mener une pratique théâtrale contemporaine, qui prend appui sur des exercices de travail originaux, autour du rythme notamment ou de la pratique collective du rêve éveillé, pour atteindre, ce qu’Yves Sioui Durand nomme “l’état vibratoire du jeu”. Ils proposent ainsi une rencontre unique avec le monde des Amérindiens au-delà de tout folklore. Il s’agit plutôt d’éprouver et d’expérimenter une théâtralité qui échappe aux codes narratifs et aux références du jeu connus en Europe. Pour Ondinnok, le théâtre est un art fortement inspiré de la mythologie. Il s’agit d’une pratique intimement liée à la mémoire des cérémonies de la “longue Maison”, la “Maison qui tremble”. C’est ainsi que les amérindiens associent l’acteur au “clown sacré”, à l’ “homme médecine” qui est, ou qui fut, à la fois énonciateur de vision, porteur de prophéties et guérisseur. Sans trahir la nature archaïque de ces pratiques, l’enjeu fut, pour les fondateurs du théâtre amérindien du Canada, de les transposer dans un langage scénique qui sache répondre à nos attentes et sensibilités modernes.
La recherche proposée autour du Rabinal Achi est une démonstration puissante de la réalité non folklorisée de la culture amérindienne, fondée sur l’exploration de l’épopée Maya inédite, le Rabinal Achi. Encore méconnu, classé patrimoine culturel immatériel par l’UNESCO en 2005, le Rabinal Achi est une œuvre Maya semblable aux grands trésors du théâtre que sont les tragédies Grecques. Prenant appui sur la mythologie du Popol Vuh, ce texte est l’unique vestige précolombien de toute la dramaturgie méso-américaine. C’est surtout grâce à la tradition orale qu’il a pu, depuis la conquête espagnole, se maintenir vivant et se transmettre jusqu’à nous, de sa profondeur, de son universalité.