Aux sources du théâtre indien, du Kathakali au répertoire contemporain

Du 19 au 30 octobre 2020

Stage pratique dirigé par Kalamandalam Karunakaran, maître de kathakali et Asil Rais, acteur, metteur en scène et réalisateur

Les secrets du mystère. Une exploration du jeu de l’acteur

L’un des plus grands musiciens de l’histoire de la musique classique indienne – Bismillah Khan – m’a dévoilé un de ses secrets qu’il appelait « le secret du mystère. » Selon lui, « il y n’y a pas de mystère dans l’art. Il y a les secrets du mystère. »
J’ai vu un magicien magnifique dans le désert du Rajasthan qui après chaque tour de magie spectaculaire disait quant à lui : « Ce n’est pas de la magie. Ce n’est un simple tour de main. »
Quels sont ces secrets et ces tours de main pour un acteur ?
Asil Raïs

Kalamandalam Karunakaran Kalamandalam Karunakaran

Kalamandalam Karunakaran a été invité pour la première fois à ARTA en 1990. Son art, le kathakali, qui peut durer une nuit entière, est issu de traditions populaires et de spectacles rituels ancestraux. Les acteurs s’expriment d’abord en signes gestuels. L’étude de séquences rythmées et de figures de jeu chorégraphiées est accompagnée d’une gymnastique des yeux et des muscles faciaux. La frappe des pieds scande le jeu, davantage fondée sur l’observation des forces animales que sur la psychologie. Le langage des gestes s’appuie sur les multiples combinaisons de hastamudras, signes répertoriés des gestes des mains dont l’impulsion expressive engage tout le corps. Par son enseignement, Kalamandalam Karunakaran amène chacune et chacun à vivre, ressentir, danser le rôle, en s’appuyant sur la précision du geste, du souffle, du rythme, du regard, sans plus avoir besoin d’y penser.

Asil Raïs partagera quant à lui son expérience d’acteur, de metteur en scène et de réalisateur, et ce qu’il a appris du Nāṭya Śāstra, le traité du théâtre indien. Et comme le but est de susciter le Rasa, le plaisir de l’émotion partagée entre acteurs et public, il espère surtout que ce temps de transmission et de recherche pratique en soit un ! Et comme nous le conseille le Kâma Sutra, le traité du désir : « Pour beaucoup de plaisir, il faut beaucoup travailler. »

Asil Raïs Asil Raïs

Enjeux et objectifs du stage

D’expérience, le kathakali offre les bases fondamentales de l’entraînement de l’acteur. Précis, exigeant et complet, il contribue d’emblée à ouvrir, à muscler l’imagination tout en mobilisant pleinement le corps et la voix. L’enrichissement du vocabulaire gestuel, la palette d’actions offerte par la combinaison du mouvement et de la parole, l’attachement à préciser chaque intention par les variations d’attitude et de regard amènent à développer ses capacités de jeu, à traduire ressenti et émotion avec souplesse et versatilité. A cette maîtrise s’ajoute l’attention fine, subtile et complexe à distinguer les différentes phases d’une action dramatique pour conduire un rôle aussi bien de manière épique en présence d'une grande assemblée que de manière plus intime en présence d’une caméra.

Kalamandalam Karunakaran Kalamandalam Karunakaran

Kalamandalam Karunakaran et Asil Raïs invitent à découvrir Hayvadana, la pièce de théâtre du célèbre auteur contemporain indien Girish Karnad. Pour cette pièce, traduite en français par Geneviève Rey-Penchenat et Asil Raïs, Girish Karnad s’est inspiré d’une légende tirée de l’Océan des rivières d’histoires de Somadeva (écrit en sanskrit entre 1063 et 1081). Thomas Mann s’en était déjà inspiré pour en écrire une suite, Les têtes interverties. En écrivant pour le théâtre, Girish Karnad a repris toute cette matière, combinée avec un autre conte de Karnataka, comme source d’inspiration de Hayvadana. Le travail d’exploration scénique amènera chacune et chacun à travailler sur ce même texte pour découvrir les secrets du métier, utiles tant au comédien de théâtre qu’à l’acteur de cinéma.

Asil Raïs sur scène


Le programme du stage

La journée commencera par une séance de yoga.
Asil Raïs a eu la chance d’avoir été initié par Shri Chamanlal, un grand maître du Gujarat à l’ouest de l’Inde. Et voilà trente ans qu’il partage cette pratique avec ses équipes de comédiens pour chaque création théâtrale.
Son maître insistait sur le fait qu’il n’y a rien de métaphysique dans le yoga. C’est simplement un entretien du corps, la tête en faisant partie. C’est comme faire réviser une voiture régulièrement. Un musicien entretient son instrument. Quel est l’instrument d’un acteur ?

Le reste de la matinée se poursuivra avec Kalamandalam Karunakaran, le maître de kathakali. Il ne peut bien sûr être question de prétendre apprendre le kathakali en deux semaines : cette initiation vise à s’initier pour en tirer substance et nourrir sa pratique d’acteur contemporain, dans toute sa complétude.
Il s’agit d’aiguiser les différentes parties de son instrument, l’éveiller, augmenter son vocabulaire de mouvement par la danse, prendre conscience de l’espace, améliorer le vocabulaire des yeux, le vocabulaire des mains (la gestuelle) et un travail sur le visage. Le but est d’avoir un meilleur contrôle de nos moyens, d’être disponible pour le jeu, donner corps à notre imagination. 

L’après-midi commencera avec des exercices de musique classique indienne qu’Asil Raïs a appris auprès de Mr. Suhas Bakai de Patiala. Il partagera ces quelques bases du chant classique avec les comédiens pour que chacune et chacun arrive à donner voix aux silences des émotions cachées dans les mots, dans son texte.

Le travail d’exploration et de mise en jeu du texte se poursuivra. Une attention première sera bien entendu portée à la lecture de Hayvadana, de Girish Karnad : comment lire un texte, le sentir, et l’interpréter en le nourrissant de sa propre imagination.
Les acteurs choisiront parmi les personnages de Hayvadana les rôles qu’ils souhaiteront travailler, et se constitueront en équipe. Ils auront à leur disposition des éléments de maquillage et de costume pour préparer leurs improvisations.  Avec les mêmes personnages, chacune et chacun sera amené à travailler le jeu suivant les exigences spécifiques propres au théâtre et au cinéma, avec notamment la présence d’un cameraman pour accompagner Asil Raïs et Kalamandalam Karunakaran durant la seconde semaine.

Il sera possible de poursuivre les deux premières semaines de stage par une troisième, facultative, pour un creuset de recherche conduisant à une présentation publique.
Pour celles et ceux qui voudront y participer, il conviendra en amont de s’inscrire pour trois semaines lors de sa candidature au stage.