En juillet 2008, Cristina Formaggia Wistari a cessé de danser, coupée dans son souffle par la maladie qui ronge, insidieuse… Artiste partagée entre l’Europe et Bali, Cristina dirigeait la troupe de Gambuh du temple du village de Batuan, favorisant ainsi, par son talent et sa ténacité, la renaissance de la plus ancienne forme de théâtre rituel de Bali. Avec Nyoman Candri, artiste de Wayang Kulit (théâtre d’ombres), elle aura également permis au Topeng de femmes (théâtre masqué) de voir le jour.
Comment oublier la pétillance de ce regard toujours à l’affût, la liane de ce corps-insecte, la voracité et la grâce de son art, son rythme fascinant. Elan, surprise, suspension du temps, fluidité du mouvement qui se délie, se dévide jusqu’au bout des doigts, en tentacules qui se dressent pour tâter l’air, comme des antennes. Instinct animal ? Ouverture végétale ? Cristina, qui avait la classe d’une Reine, étonnait aussi par son impertinence triviale quand, sous les masques du Topeng, elle épinglait le monde, les hommes notamment, pour en rire. Des paroles effrontées…
« Continuez à vous entraîner, quand je ne suis pas là », s’obstinait-elle à répéter. Il lui fallait à tout prix transmettre son expérience du théâtre balinais, transformer les corps, éveiller les esprits, pour qu’il en sorte des fruits.