Si vous êtes acteur(ice) et que vous voulez aussi danser, si vous êtes danseur (se) et que vous voulez aussi jouer : ce stage de théâtre-danse est pour vous! Une chance inouïe que de pouvoir durant ce stage rencontrer, travailler sur scène avec des personnalités aussi illustres, dont la réputation internationale n’est plus à faire! Actuellement, Le Théâtre du Corps de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault poursuit notamment avec Lorenzaccio une tournée triomphale sur toutes les grandes scènes françaises et européennes…
Dans une perspective de Théâtre-Danse, nous explorerons ensemble un texte contemporain majeur : Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès
Réunir, pour créer ensemble, des artistes issus de la danse et du théâtre, ouvre de très riches perspectives, incite mutuellement à faire parler les corps, à s’appuyer sur les souffles que requièrent phrasés, débits, ponctuations et rythmes…
Comment éprouver, combiner l’élan de la danse et la dynamique de la parole, associer intentionnalité, conduite des actions psycho-physiques, désir de dire, ressenti émotionnel et impulsion du mouvement ?
il y a analogie entre page et plateau à partir du moment où corps et voix s’accordent pour écrire ensemble des trajectoires dans l’espace d’une scène délimitée. Le mouvement se dessine en volumes et se ponctue par la combinaison du souffle, du geste, de la voix, en arrêts, suspensions, syncopes. Chaque transition significative de la pensée peut ainsi se traduire par un changement d’attitude, ce qui cristallise ces instants-charnières du parcours dramatique. Il est juste alors de parler de partition ou de texte scénique. Il peut alors y avoir maillages, entrelacs entre divers partitions, notamment partitions gestuelles et vocales, celles-ci pouvant opérer de manière non redondante en contre-points, jouant de ces écarts ou entre-deux féconds pour le travail métaphorique.
Ne serait-ce que pour parvenir à combiner maîtrise et instinct, confronter les techniques et apprendre les méthodes issues des différentes disciplines multiplient les potentialités créatrices. Par l’entraînement, chacun se rendra apte à alterner les approches, pour trouver ainsi la liberté de pouvoir emprunter consciemment différentes voies de passage…
Tels sont les enjeux de cette rencontre pratique, exploratoire, autour d’un auteur majeur du répertoire contemporain.
L’hostilité est déraisonnable.
Le premier acte de l’hostilité,
Juste avant le coup,
C’est la diplomatie,
Qui est commerce du temps.
Elle joue l’amour en l’absence de l’amour,
Le désir par répulsion.
Mais c’est comme une forêt en flammes traversée par une rivière :
L’eau et le feu se lèchent,
Mais l’eau est condamnée à noyer le feu,
Et le feu forcé de volatiliser l’eau.
L’échange des mots ne sert qu’à gagner du temps avant l’échange des coups,
Parce que personne n’aime recevoir des coups et tout le monde aime gagner du temps.
Bernard-Marie Koltès
Tout acte de parole, même le plus infime, engage un certain type de tension. Suivant l’événement rencontré, le cœur bat plus ou moins vite. L’organisme ne cesse de s’adapter, de changer de dynamique. Commencer par respirer organiquement le texte, en portant son attention sur le souffle qu’il requiert, conduit à cerner le rythme propre du personnage. Et c’est par une friction organique, par la pulsation rythmée et vibrante de leurs ondes sonores que les phonèmes associent, rebondissent et voyagent entre nous, ouvrant les imaginaires.
Plutôt que de s’appesantir sur les mots, il s’agit de suivre leurs impulsions sonores, libérer les énergies, canaliser le phrasé, soutenir le flux vocal, puis laisser résonner, interagir, attirer, repousser, désirer, séduire, donner, recevoir, livrer combat, dans l’accueil du silence. Joutes verbales et corps à corps gravitant, dans l’espace du no man ‘s land.
Mené par Jean-François Dusigne, le travail sur le souffle de la parole conduira à s’appuyer sur l’énergétique des mots, suivre les impulsions du texte de Bernard-Marie Koltès, pour en délivrer ses flux de parole, précisément et concrètement, chaque rôle étant abordé comme une partition spécifique, à prendre viscéralement à bras-le-corps.
L’entraînement visera, par le souffle et la mobilisation diaphragmatique, à l’éveil de la conscience, à la stimulation du corps-esprit dans ses capacités d’associations, de réminiscences sensitives, kinesthésiques et d’ « engramme » de l’expérience vécue, ce qui conduit, par un travail régulier et systématique sur ses structures profondes, à l’épanouissement de ses capacités.
Engager le corps et chercher la rapidité du débit, conjuguer amplitude, souplesse et fluidité, parvenir à alterner dans tous les rythmes contraction et lâcher prise, tension, soutien, suspension, détente. Au lieu de se dire : je ne « trouve pas l’inspiration », se laisser inspirer, tout simplement… Et ce faisant, affirmer.
La voix reflète la mise à nu, révèle l’intime à ciel ouvert. L’acteur n’a pas à montrer, mais à se laisser dévoiler. Tout se perçoit, tout filtre déjà, à travers le souffle et le timbre.
Respirer organiquement le texte, travailler rythmiquement attaques et accents, être attentif à la compression ou à la dilatation du débit à travers les syllabes longues ou brèves, timbrer les voyelles, rebondir sur la percussion des consonnes sont différentes manières de parier sur la scansion du texte, sur sa « musicalité », pour contribuer au surgissement des sensations, des pensées, des sentiments dont s’imprègne l’acte même d’une parole de désir ou de manque, dont l’urgence est de s’accrocher à vivre.
En bref, donner du jeu, c’est ouvrir du sens. Il s’agit moins de chercher à « donner du sens », qu’à « être dans le sens » en se laissant guider par le mouvement des mots, qui induisent la direction de l’action.
La parole peut séduire, griser, enivrer, selon que, pour citer Le plaisir du texte de Barthes, « ça granule, ça grésille, ça caresse, ça rape, ça coupe : ça jouit. »
Le but de cette seconde semaine, dirigée par Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, est d’atteindre de nouvelles dispositions corporelles, de nouvelles compétences de jeu : pour y parvenir, le travail de la seconde semaine commencera par une recherche de « matière » chorégraphique afin de développer son personnage.
Puis, pour atteindre une meilleure connaissance des possibilités gestuelles, chorégraphiques liées au jeu, le participant sera amené à affiner ce travail préparatoire pour unir les deux écritures : corps et texte.
Enfin afin de rendre compte du dialogue entre les 2 personnages de cette pièce, le rapport à l’autre clôturera ce programme pour que l’imaginaire conçu précédemment s’accorde à celui de son partenaire de jeu.
Comment appréhender un personnage à travers son corps, à travers une poétique du geste ? Il faudra définir une véritable identité gestuelle des personnages, définir un inconscient corporel qui permette de prolonger une intention, de plonger dans le texte à travers une métaphysique organique, qu’elle soit structurée ou improvisée.
Le travail de gestion de l’espace sera également à définir, à intérioriser pour que le dialogue s’instaure dans un lieu, mais aussi une dynamique car la « perte » de temps chère à Koltès précédent le conflit doit se corréler avec une prise d’espace personnel, mais également une appropriation de l’espace de l’autre. Comment l’imaginer ? Comment définir son propre espace (mental, physique) ?
Dans ce dialogue où de longs monologues s’entremêlent, comment réagir à la voix de l’autre, à sa rythmique, son intensité ? Quoi faire, comment évoquer l’intériorité du personnage qui reçoit le texte ? Comment le mouvement ou l’absence de mouvement (même si l’immobilité est chorégraphie également) peut structurer le texte, son débit, sa pesanteur ?
Un travail spécifique sera demandé et attendu sur la relation à l’autre, la compréhension du mouvement de l’autre pour créer une chorégraphie à deux, attentive au texte, à sa rythmique, sa compréhension et sa poésie.