La pédagogie théâtrale comme passion artistique

La formation des formateurs

Du 21 novembre au 16 décembre 2011

Stage dirigé par Anatoli Vassiliev

Assisté de Natasha Isaeva

En invitant Anatoli Vassiliev à ARTA, nous voulons favoriser la rencontre pratique entre un illustre metteur en scène-pédagogue et des « connaisseurs de théâtre », hommes et femmes potentiellement pédagogues. Notre intention est en effet de développer sur quatre semaines une formation avancée pour des personnes déjà actives dans les systèmes éducatifs et culturels, axée sur le processus d’apprentissage en lui-même.

En effet, le théâtre ne peut être enseigné sans pratique réelle, sans contact avec la vie artistique d’aujourd’hui. Or l’influence d’un bon professeur peut être déterminante non seulement pour le développement de ses élèves mais aussi pour tout le théâtre en devenir, en influant sur l’essor de nouvelles formes, en propulsant de nouveaux courants : l’histoire européenne du XXème siècle nous en fournit l’exemple.

Trop souvent cependant, les élèves sont les cobayes de l’auto-apprentissage des futurs enseignants. Si l’offre de cours de théâtre de tous niveaux paraît immense sur le marché, rares sont les opportunités offertes pour apprendre à enseigner et à apprendre à apprendre.

Le principe même d’une pédagogie théâtrale structurée et systémique a tardé à s’imposer en France, et ce qui continue à faire défaut, c’est la cohérence intérieure du cursus, prenant en considération la croissance organique et progressive de chaque élève au sein de l’ensemble.

Plutôt que de se limiter à la vénération du texte littéraire – forcement figé en tant qu’œuvre écrite, – à laquelle s’ajouterait la vénération de ce point obscur, voire mystérieux, du don naturel – forcement figé parce que déjà présent au départ – , il faudrait ne pas s’arrêter au talent et mettre l’accent sur le cheminement, la possibilité d’avancer vers plus de liberté créatrice, en misant sur la capacité de l’élève à se changer radicalement pendant ses années d’études…

Ainsi, préférons-nous opter pour cette attitude différente, liée étroitement à la vie intérieure de l’acteur, liée à cet élan créatif et vivant qui le pousse plutôt vers le « ressentir », vers une expérience à éprouver, à vivre réellement pendant le processus de la création. Cette autre tendance se trouve pleinement manifestée dans les œuvres d’Antonin Artaud avec la soif d’une passion brûlante inhérente à l’acte créatif, – la passion qui aboutit à la transformation de la conscience, de la mentalité, de l’organicité même de l’acteur. Antoine Vitez qui, dans son travail avec l’ensemble des comédiens à Chaillot s’appuyait sur la tradition théâtrale de Stanislavski, représente également un héritier authentique et légitime de cette autre approche fondée sur le principe de la vie intérieure. Dans les milieux scolaires et universitaires, la pédagogie théâtrale relève d’enseignants qui s’avèrent, de par leur expérience de spectateur conjuguée à leur vécu du plateau, des « connaisseurs ». Même si leur vie artistique reste inachevée, ils peuvent être qualifiés d’ « hommes ou de femmes de théâtre » : ces « connaisseurs » entreprennent de transmettre leurs passions et leurs rêves de théâtre à leurs élèves, initiant ainsi de précieuses vocations.

La fonction pédagogique a également souvent coïncidé avec la figure du metteur en scène, au sein de groupes impliqués dans de grandes expériences innovantes. Dans la mesure où le metteur en scène-pédagogue se refuse à instrumentaliser le comédien pour réaliser ses visions, il lui revient de savoir conduire et moduler les impulsions artistiques de ses acteurs « collaborateurs », pour non seulement dessiner et organiser scéniquement des images à partir de leurs volontés libres et authentiques, mais créer un univers – à partir non pas d’éléments et d’objets figés, déjà prêts, mais à partir des propositions de créatures animées, vivantes, à partir de leurs impulsions secrètes et cachées (parfois cachées d’eux-mêmes). Comment procéder ? Comment faire, comment toucher, comment ruser – et surtout : comment piquer au vif, comment blesser sans nuire, comment stimuler, amener la personne à se dépasser ? Toute l’affaire n’est plus seulement de tracer une ligne avec un crayon coloré mais de savoir déclencher l’impulsion, amener à la nécessité qui pousse l’être humain à dessiner des lignes, à parcourir l’espace avec tout le sang de son cœur…