5 jours - 30 heures
A partir d’explorations fondées sur l’écriture du corps, Ana Maria Vallejo de la Ossa invite les acteurs à s’approprier son texte : Pieds nus sur les pierres de sel. Les expériences personnelles de voyages, déracinements, et rencontres nourriront cette recherche métisse, articulant travail dramaturgique et scénique. Pieds nus sur les pierres de sel, est, en français, le titre le plus proche de celui de son œuvre la plus récente. Sa structure est intimement liée aux croisements de chemins, où l’errance et les rencontres éphémères conduisent à nous interroger sur l’humain dans un immense désert. Prenant ce texte comme matériau ouvert à une réécriture, les participants travailleront sur la manière de représenter l’errance elle-même, le mouvement de l’existence, l’instabilité et la fragilité de chaque vie, à partir de l’approche de certains instants humains. Pour cela, les acteurs exploreront dans leurs propres corps, avec leurs propres corps, les traces de voyages, déracinements, rencontres, paysages, chemins. Le corps écrit sur la scène à partir de ces écritures textuelles.
Il y a quelques années, Ana Maria Vallejo a réalisé une série d’ateliers de création théâtrale dans le département de la Guajira, au nord de la Colombie. Par ce travail, elle a pu entrer en contact avec la culture indigène Wayúu, sans doute le groupe ethnique le plus important de Colombie, appartenant à la famille linguistique Arawak. Au-delà de l’intérêt «anthropologique» que cette expérience a éveillé, le grand territoire désertique de la Guajira a provoqué chez elle une recherche poétique particulière, notamment face à ce paysage aride et désolé, devant les étranges rencontres qui s’y produisent, devant la musique des paroles incompréhensibles des Wayúu, devant la violence de certains espaces misérables, et la vertigineuse sensation de liberté que produit le désert, quelques questions se sont imposées à elle : Comment représenter l’illimité dans les limites de l’œuvre théâtrale ? Comment évoquer le silence dans une œuvre qui se construit à travers la parole ? Comment recréer le désert et les mouvements émouvants que cette apparente quiétude produisent dans l’âme de ceux qui le traversent ? Comment faire de cet espace de sensations et d’expériences, un espace poétique qui fonctionne comme une métaphore des déserts intérieurs de l’être ? Comment se représente le vide ? Les rencontres impossibles ? L’amour et ses musiques ?
Ces questions ont inspiré son écriture.
L’atelier «de l’impulsion du texte à l’écriture du corps» cherchera à explorer à partir des possibilités de l’œuvre de fiction la réalité multiculturelle dans laquelle nous vivons et en même temps les drames personnels qui s’y entretissent, répondant à une des fonctions essentielles de l’art : interroger la réalité dont nous faisons partie à partir de la création poétique.
Dans le texte, des fragments espagnols croiseront la traduction française, et se mélangeront selon l’origine des participants, avec d’autres langues ; tout en répondant à l’idée que plus tard « le spectateur » pourrait suivre « les histoires » et pénétrer dans l’univers des personnages, même s’il ne comprend pas certaines parties de leurs dialogues. Pour cela, la création d’atmosphères, de paysages, tant externes qu’internes aux personnages seront primordiales dans le travail. La construction symbolique à laquelle cette recherche aboutira peut par moment rompre avec la notion traditionnelle de fable, sans cesser d’être cependant d’une grande force théâtrale.
Cette tour de Babel ainsi édifiée pourra faire partie du travail : la langue ne communique pas seulement du sens mais aussi des sensations, raconte et créé des mondes, des espaces, et peut finalement être symbolisée comme barrière ou pont.
La musicalité de la parole sera également explorée dans l’écriture.