En Inde du Sud, le Kérala a apporté aux arts du spectacle une contribution d’une richesse exceptionnelle, tel le Mohini Attam. Mohini, c’est l’incarnation féminine que prend le dieu Vishnu pour lutter contre le pouvoir des démons, chaque fois qu’ils tentent de s’emparer de l’élixir d’immortalité. Sous la forme sensuelle de Mohini, Vishnu parvient grâce à son charme à détourner leur menace : succombant à sa séduction, les démons, éblouis et fascinés par sa danse, finissent par en oublier chaque fois l’objet de leur convoitise… Ce mythe, dans ses différentes versions, a inspiré les artistes. Et Mohini a laissé son nom à cette danse qui fut dansée tant à la cour des souverains que dans l’enceinte des temples. Car Mohini est l’Enchanteresse. Et sa danse apparaît comme un sortilège de beauté qui doit envelopper celui qui la contemple, pour le mener, lui aussi, plus près du Divin.
Le Mohini Attam privilégie le cercle, la courbe, la spirale. Point ici de frappé violent, le pas est presque glissé. Point de tension : les mouvements du torse sont aisés, naturels, sans jamais casser la ligne du corps qui ondule souplement à partir de la taille. Un geste engendre l’autre subtilement, sans rupture. Les 24 mudras de base sont ceux que décrit le Hastalakshana Deepika, ouvrage de première importance pour l’ensemble des formes théâtrales du Kerala.
L’edakka, percussion caractéristique de l’accompagnement du Mohini Attam, instrument capable de donner à la fois rythme et mélodie, est entouré par le shudda maddalam, le mridangam, la veena, la flûte et les cymbales.
Plus encore que dans d’autres styles, l’expression des sentiments « rasa » est particulièrement développée dans le Mohin Attam. Un passage du Saundarya Lahari, attribué au célèbre philosophe et poète Shankaracarya (VIII-IX s.) décrit ainsi, l’amour, la joie, la tristesse, la colère, la noblesse, la peur, le dégoût, et l’émerveillement joints à la dévotion qui se manifestent tour à tour dans le regard et sur le visage.
(Sources : Brigitte Chataignier et Véronique Crombe)